Brève de métro # 30

Un truc tout bête dans le métro, tellement bête qu’il existe à peu près dans tous les métros du monde et même dans les trains et les tramways, c’est le signal sonore.

Le fameux, celui qui annonce la fermeture des portes et te fait savoir à toi, usager pressé ou non, qu’il n’est plus temps de monter, trop tard, tu prendras le prochain métro, c’est pas grave, t’es quand même pas à deux minutes près, faut pas pousser…

La signification dudit signal est sans ambigüité et n’échappe à personne – à part peut-être aux sourds, et encore : le signal sonore est de plus en plus souvent accompagné d’un signal lumineux, alors va falloir trouver mieux comme excuse.

Nous sommes bien d’accord, signal ou non, t’as toujours un con qui s’en fout de retarder tout le monde en se coinçant un bras, une jambe, un sac ou que sais-je entre les portes parce qu’il a voulu prouver qu’il n’est pas comme tous ces cons qui poireautent, lui, il fonce, même pas peur, même pas mal, en bravant le danger et la menace de toute cette ferraille prête à le broyer s’il se loupe – et il se loupe toujours. Non seulement il retarde le départ du train en gênant la fermeture des portes, mais tu remarqueras que bien souvent, en plus, il s’énerve et crie au scandale pour cet affront qui lui est fait de l’empêcher de faire chier tout le monde au lieu d’attendre sagement deux minutes.

Mais alors parmi les cons qui pensent que les règles de base du métro ne les concernent pas, la palme d’or revient sans hésitation à cette folledingue qui a tenté la montée post-signal sonore avec poussette. Elle a eu bonne mine, une fois les portes refermées – parce qu’elles se referment toujours d’une manière ou d’une autre – avec sa poussette et son bébé dans le métro alors qu’elle-même avait finalement raté son coup et se retrouvait toute seule sur le quai…

Moi j’étais dans le métro. Avec son bébé, donc. Et à la façon dont cette mère stupide et inconsciente m’a fait signe le plus naturellement du monde pour me demander, je suppose, de l’attendre avec son môme à la station suivante, je n’ai pas pu réprimer une profonde colère à son encontre. À sa place, j’aurais été totalement paniquée à l’idée de ce qui pourrait arriver à mon enfant, seul au milieu d’une foule inconnue, sans même savoir si je le retrouverais à un moment ou un autre… mais elle paraissait assez sereine, comme s’il était normal de larguer son nourrisson tout seul dans le métro… Si je n’avais pas pris soin de monter dans le métro avant que le signal sonore ne retentisse et si je n’avais pas été, donc, en train de m’éloigner d’elle, j’aurais servi à cette inconsciente mes plus belles injures.

Au lieu de ça, j’ai quitté le métro deux stations plus loin avec le bébé et j’ai pris tout mon temps pour revenir sur mes pas… Quand j’ai retrouvé la mère, elle avait cette fois largement eu le temps de céder à la panique. Elle avait rameuté les employés du métro, le service de sécurité et la police.

Je lui ai rendu son bébé avec ma plus belle tête d’innocente : « Je n’ai pas du bien comprendre ce que vous disiez quand vous avez jeté votre poussette dans le métro au moment où il partait… Désolée. »

La prochaine fois, j’ose croire qu’elle préfèrera perdre deux minutes plutôt que son enfant.