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Poupoune

Il est poney celui qui m'apprendra à élever ma fille !

23 Août 2014, 08:15am

Publié par Poupoune

Ma fille est une enfant gâtée. La faute à…? Moi, oui, bien sûr.

D’abord, en matière d’éducation, j’applique la méthode naïve. D’aucun dirait laxiste, mais c’est une question de point de vue. L’idée ? Si je suis gentille avec toi tu seras gentille avec moi… et je privilégie les récompenses, plutôt que les punitions.

Ensuite, j’adore cette enfant et je ne sais rien lui refuser. Ou quasi. Et entre autres choses pour lesquelles j’ai cédé en faisant preuve d’une résistance toute symbolique, il y a le cheval. Le double poney, pour être précise. Qui n’est pas un genre de poneys superposés, ni de poneys siamois collés par le flanc, mais plutôt un modèle réduit de cheval, même si ce détail, quoiqu’instructif, est sans intérêt ici.

Ainsi, donc, j’ai dit oui aux leçons d’équitation. Passons sur le prix de la petite réjouissance – on va dire qu’une enfant n’a pas forcément besoin d’avoir conscience de ce genre de considération – mais ce qu’elle ne peut ignorer, c’est l’effort maternel consenti. Parce qu’il faut savoir qu’un poney-club, ça ne se trouve pas à tous les coins de rue, alors qui se trimbale vingt-cinq minutes à pieds et dix en tramway pour accompagner sa douce descendance ? Et une fois là-bas, qui se fait tartir pendant au moins une heure trente pendant que sa prunelle brosse, pomponne, cure, monte, re-brosse, câline… ? Parce qu’il y a autre chose à savoir au sujet du poney-club : en général, ce n’est pas en centre ville. Ni à côté d’un centre commercial, d’une bibliothèque ou de n’importe quel genre de lieu qui permettrait de tuer le temps et l’ennui, non : c’est à mi-chemin entre loin de tout et au milieu de nulle-part, si bien que le choix se résume à regarder le cours dehors ou attendre dedans.

Un dernier détail enfin à propos du poney-club : dedans ça pue et dehors… ben c’est dehors. Quand il fait beau et chaud, la corvée se transforme miraculeusement en délicieux bain de soleil, mais dès qu’il pleut, vente ou pèle… je deviens mère courage en plein chemin de croix.

Alors les jours de poney plus encore que les autres, je mise sur le bon sens et la gratitude de ma fille comme moteurs suffisants de sa bienveillance à mon égard. Probablement que la faire filer doux à coups de cravache donnerait de meilleurs résultats, mais on n’a quasiment plus le droit de frapper ses enfants, alors je continue d’essuyer les déconvenues.

Est-ce à cause de la fatigue de l’expédition jusqu’au poney-club ? de l’excitation du cours ? Est-ce pour me montrer les failles de mes choix éducatifs ? ou plus simplement parce qu’on ne mesure jamais vraiment l’ingratitude dont sont capables les enfants ? Toujours est-il que malgré les grands espoirs que j’ai pu placer dans ma conception donnant-donnant de l’éducation et de son apogée inéluctable lors de mon plus grand effort d’abnégation hebdomadaire, ma délicieuse enfant choisissait régulièrement le jour du poney pour se montrer particulièrement exécrable.

Une fois, deux fois, douze fois. Cris, menaces, mots qui dépassent les pensées, tout ça…

- Si je te donne l’impression de m’éclater à me peler les miches sous la pluie en faisant semblant de m’émerveiller pendant que tu t’escrimes à essayer de faire avancer un bourrin, autant te dire tout de suite que c’est effectivement qu’une impression !

- Tu fais semblant ?

- Hein ?

- Tu fais semblant de trouver que je fais bien ?

- Change pas de sujet ! Si t’es pas capable de te comporter correctement avec moi alors que je me fais chier deux heures les pieds dans la boue pour que mademoiselle puisse se pavaner sur sa bestiole, je ne t’emmènerai plus !

Le truc des menaces, c’est que tôt ou tard il faut les mettre à exécution, sinon ça n’a pas de sens. Même quand on a fait le choix d’une éducation laxiste. C’est une question de crédibilité et d’amour propre. Tu peux te dérober une fois ou deux, trois… moi je peux pousser jusqu’à dix ou douze, mais au bout d’un moment faut y aller. Alors un beau jour, la sanction est tombée :

- Terminé ! Je ne t’emmène plus ! Si tu veux y aller, tu te débrouilles toute seule.

Et à ma grande surprise, elle a pris ses affaires et a claqué la porte.

Résultat, au lieu de cheminer en papotant avec elle puis de la regarder s’épanouir comme une fleur au milieu des odeurs de purin, je me suis retrouvée en filature, morte d’inquiétude à chaque rue traversée sans moi et obligée de planquer trop loin pour pouvoir la voir pendant le cours. Alors qu’en vrai, j’adorais ça, la regarder. Pour couronner le tout, comme je n’étais plus là pour la presser, elle s’est mise à passer un temps fou à s’occuper des canassons à la fin du cours et chaque jour de poney, elle se remettait à me faire la gueule quasiment jusqu’au suivant. Ce fut une période tout à fait sympathique.

C’est aussi pour ça que je n’aime pas les punitions : d’une manière ou d’une autre, tu risques toujours de te punir un peu toi-même. De mère courage, je suis devenue dommage collatéral.

La plaisanterie a toutefois duré assez longtemps, avant qu’elle finisse par me demander si je voulais bien revenir avec elle. Des semaines que j’attendais ça et enfin ! Elle a craqué ! Tout ça donne tellement l’impression que c’est elle qui a levé ma punition que je me demande quel genre de leçon elle a bien pu en tirer, mais qu’importe : c’était fini.

Je suis donc retournée prendre place sur mon banc en bordure de la carrière pour admirer ma cavalière en herbe. J’ai tout de suite remarqué qu’elle avait fait des progrès considérables. Oubliées les fâcheries passées, je débordais de fierté pour ma petite fille si belle sur son grand double poney ! J’en avais presque les larmes aux yeux.

Ma vue a dû se brouiller légèrement, c’est sans doute pour ça que je n’ai remarqué que trop tard la haine dans son regard, quand elle a lancé sa monture au galop droit sur moi, avant de lui faire sauter la barrière et de la faire atterrir les sabots directement dans mes dents.

 

 

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P
Laxisme ou à cheval sur les principes, c'est poney blanc, blanc poney !
Répondre
P
HAHA ! Excellente...